La rupture du contrat de demi-pension avec Nothing New m’avait totalement anéantit. Je ne m’y attendais absolument pas et cela m’avait fait un choc terrible. J’avais pourtant si bien progressé avec lui.
J’arrivais cependant à concevoir que je ne sois pas la cavalière idéale pour le hongre. J’étais sourde et n’avais pas une expérience très élevée auprès de chevaux à reprendre en main. Cet échec m’avait pourtant blessé et beaucoup déçu... Mais je suis une battante et ce n’est pas pour si peu que j’allais baisser les bras. Je m’étais promis de retourner voir le hongre de temps en temps. En attendant, on m’avait confié un pur sang arabe en demi-pension. Je n’avais jamais eu l’occasion de rencontrer un cheval de cette race mais je la connaissais bien car il s’agit d’une de mes races préférées. Ma bibliothèque personnelle regorge d’ouvrages les concernant.
Tout ce que je sais c’est qu’Al Kama est un étalon. Ex-reproducteur, il a gardé tout son caractère de dominant et vient en plus d’être débourré ! On m’a donc averti qu’il était agité et très « testeur ». Mais ça ne me fait pas peur. J’aime les défis et j’ai hâte de travailler avec lui.

Ce matin, réveil à 7h et départ de la chambre à 8h. Ainsi, j’arrive aux écuries suffisamment tôt. Je commence par parcourir les allées des boxes à la recherche de celui d’Al Kama. Je le trouve finalement, légèrement en retrait et surtout, tenu à l’écart des juments. Je passe ma tête dans le box. Un superbe étalon baie relève vivement l’encolure et fonce à la porte. Il est absolument magnifique et je comprends pourquoi il a été choisi comme reproducteur. Tout en lui est grâce et légèreté.
Je reste quelques secondes à le contempler à sa porte. Il souffle des naseaux et encense en me lançant des regards noirs. Au moins lui, tu sais ce qu’il pense. Aucun brin d’indifférence ici ! Oreilles plaquées en arrière, il me défend d’approcher. Pourtant, j’avance prudemment ma main. Ses dents claquent à quelques centimètres de mes doigts ! Après mon pied, c’est hors de question ! Je lui donne une tape sur les naseaux et lui tourne le dos. J’en profite pour poser ma mallette de pansage et prendre son licol, l’ignorant totalement. L’étalon en est fou furieux et, bien que j’entende mal avec mes appareils, j’arrive à percevoir le bruit de son sabot raclant le sol frénétiquement. Contrairement à toute attente, ça me fais rire. Il doit aimer être regardé celui-là ! Je reviens progressivement vers lui et il s’apaise un peu. Je peux lui caresser le chanfrein en restant prudente. Je me décide à entrer. Par précaution, je ne verrouille pas le box et laisse la porte entrouverte. La queue en panache et l’encolure fièrement relevé, le pur sang vient me renifler sans la moindre crainte. Il a fière allure et c’est un magnifique étalon ! Je lui flatte l’encolure et le détaille rapidement : membres fins mais musclés, chanfrein légèrement concave, queue en panache, encolure fine et petites oreilles en perpétuelle agitation. Ma main poursuit la découverte du cheval en descendant sur son dos. Il trésaille. On m’a toujours dit que les purs sangs arabes étaient des chevaux particulièrement nerveux. Celui-ci n’a pas l’air de faire exception ! Je le caresse progressivement sur tout le corps en surveillant les dents de l’étalon car il semble friand de quelques morsures.
Après quelques minutes, je lui enfile son licol et nous sortons. Par rapport à Nothing, Al Kama est plus petit et plus lèger. Il ne se laisse pas traîner mais se tient fièrement à mes côtés en tentant de me dépasser. Il va me tester pour imposer sa supériorité, quoi de plus normal. C’est à moi de lui faire comprendre que je ne suis pas sa jument et qu’il ne doit pas me dominer. J’ai déjà eu l’occasion de travailler un étalon et je pense pouvoir m’en sortir. Je dois juste être méfiante. Peut-être plus que d’autres personnes car je n’entends pas ce qu’il trafique dans mon dos.
Je l’attache à son anneau. Il se tourne dans tous les sens pour me surveiller. Les oreilles mobiles, il tend son encolure pour me renifler à nouveau. Je le caresse pour le rassurer avant de sortir mon étrille. Je lui laisse sentir à sa guise pour qu’il identifie l’objet. A peine l’ai-je posé sur son encolure qu’il se tourne d’un coup pour me mordre. Raté ! Petit malin, tu essayes hein !
« NON ! »
Je m’approche de sa tête en me faisant la plus imposante possible. Cela semble suffire à l’étalon qui relève l’encolure en roulant des yeux effrayés. Je ne veux pas non plus lui faire peur, pauvre loulou... Je m’éloigne et reprends le pansage comme si de rien n’était. Je passe l’étrille doucement, dans le sens inverse du poil. Maintenant, l’étalon se tient calme et se détend. Après plusieurs minutes, je remarque que ses yeux sont mi-clos. J’adore voir un cheval relaxé comme ça ! Je souris, apaisé. Je prends ensuite le bouchon et fais voler la poussière partout autour de nous. Heureusement que nous ne sommes pas dans le box... Je termine en lui curant chaque sabot. Mon nouveau petit monstre tente une nouvelle voir de me tester en secouant vivement le postérieur pour que je le lâche. Combien de chevaux m’ont fait ça avant ? Je ne les compte plus et je dois dire que cela ne m’inquiète plus. Je suis obligée tout de même de me fâcher en tenant fermement son pied. Al Kama finit par coopérer. Le dernier antérieur relève du défi. Il refuse de le soulever puis se décale à chaque fois que je tente de le prendre.
« C’est pas de ma faute sur tu as quatre sabots à nettoyer mon vieux alors soit sympa s’il-te-plait ! »
Si les chevaux réussissaient à me faire parler, c’était un exploit. Ca doit être la plus longue chose jamais dite à un cheval... Je souris à cette pensée. Malheureusement pour moi, j’allais devoir m’y faire car ici, aucune monture n’est habituée au silence complet et Al Kama a sûrement été dressé à la voix. Ses oreilles tournées vers moi en sont la preuve : il m’écoute attentivement. Je reprends donc fermement son sabot et le félicite aussitôt de la voix. Une fois curé, je le pose et vais lui caresser l’encolure. Voilà, l’étalon est propre ! Je le détache et nous rentrons au box. Il se laisse faire sans broncher ni même tenter de me blesser. Je n’hésite alors pas à le féliciter d’une multitude de caresses. Il aime ça qu’on prenne soin de lui, ça se voit comme le nez en plein milieu du visage ! Eh bien, je serais ravie de prendre soin de lui chaque jour.
Je ressors donc du box et ferme sa porte. Al Kama passe sa tête par-dessus la porte et semble attendre quelque chose. Je sors de ma poche une friandise que je cache dans une main. Je lui tends mes deux mains fermées et le laisse chercher. Il ne lui faut pas moins de 2 secondes pour la trouver et me pousser du nez pour que je libère son bonbon ! Je ris et lui tends. Il l’engloutit sans même prendre le temps de la mâcher ! Je lui flatte l’encolure.
« A demain Al Kama ! »

Source : un résumé que j’ai fait sur Full Horse