Kareen arriva avec son entier gris clair dans la carrière dont le sol était d'herbe. La fraîche brise hivernal recouvrait l'herbe auparavant verte d'une couche de givre, et énervait l'étalon espagnol qui n'était encore jamais venu ici. Hélios pointait les oreilles en avant, l'oeil vif et attentif, d'épais nuages blancs sortant de ses naseaux à chaque expiration. La jeune fille arrêta le jeune andalou au milieu de la carrière, mit le pied dans l'étrier, pris appuis sur celui - ci, une main à la longue crinière blanche, l'autre au troussequin de la selle, puis s'éleva et s'assit dans le creux de la selle en cuir noir. d'un claquement de langue, elle mit son étalon au pas, qui marcha en crabe, énervé par la fraîcheur de l'hiver et par l'endroit encore inconnu. Elle poussa alors un soupir, plaça ses aides de départs au galop, et élança sa monture dans une course endiablée, lâchant coups de culs et sauts de moutons à tort et à travers. Au bout d'une minute, elle remit sa monture au pas, déjà beaucoup plus calme, lui flatta l'encolure et lui dit :
- Alors petit démon, je te connaît bien, à chaque fois que t'énerve, faut que tu lâche ton feu hein ? Mais c'est pour ça que je t'aime mon ange ! Pour ta gentillesse, pour ta concentration, mais aussi pour tes pétages de câble. Mon petit ange démoniaque...
Enfin, Hélios se mit en place, le nez presque dans le poitrail, respirant calmement et doucement, ses flancs s'élevant et s'abaissant en rythme, la cadence du pas rythmée et régulière, tel un tango. Tout était calme. L'on entendait que le chant mélodieux des derniers rossignols, et seul le bruit de sabots marchant dans l'herbe gelée perturbait le silence de la nature. Après quelques minutes au pas, Kareen mit son Espagnol au trot, qui respira un peu plus fort, ronflant à moitié, ses muscles noueux et puissants se mouvant sous la selle. Quel plaisir monter procurait à la jeune fille ! Pouvoir faire corps avec sa monture, sentir un cheval obéissant et attentif sous la selle... Elle fit des diagonales, des doublers dans la longueur et dans la largeur, travaillant son cheval dans l'allure et lui faisant faire des transitions descendantes, le faisant travailler à chaque main, veillant à ce qu'il ne se lasse pas. Enfin, elle le mit sur un cercle, plaça ses aides, et obtient un galop ni trop mou, ni trop rapide, rythmé et cadencé à merveille, avec un cheval concentré et à l'écoute. Elle répéta ensuite l'exercice à l'autre main, puis repassa au pas l'espagnol et examina le parcours déjà en place. Quatre obstacles de 70 à 80 cm, deux oxers et deux verticaux, deux obstacles sur chaque diagonale, en ligne, un parcours pas difficile du tout, idéal pour recommencer après la convalescence de son étalon.
- Parfait. Allez montre nous ce que t'as dans le ventre mon petit ange, c'est largement dans tes moyens !
Elle élança son étalon gris sur le premier obstacle, un vertical, dans un galop énergique, à juste, et l'aborda droit et au milieu. Le bel espagnol s'éleva au dessus de l'obstacle sans difficulté, et réitéra son geste sur l'oxer suivant le vertical. Il boucla son parcours en un temps record, sans barres ni refus. Kareen descendit, flatta l'encolure de son cheval, dessangla, le ramena au box et le bichonna, extrêmement fière du calme olympien de l'étalon après avoir lâché son feu et de sa facilité au saut d'obstacle.